Vins & spirits
Pour la galette des rois, choisir un vin blanc moelleux ou liquoreux ?
Auteur : Mohamed Najim et Etienne Gingembre
Article publié le 3 janvier 2022
[Les pépites de la révolution viticole (10)] Les Français adorent la galette des rois (voir sélection gourmande). Les vins de l’Epiphanie (le jeudi 6 prochain) qui l’accompagnent sont bien évidemment pour Mohamed Najim & Etienne Gingembre, auteurs de Quand le vin sa révolution, des vins blancs moelleux ou liquoreux. Leur sélection retient plusieurs domaines dans trois appellations phares : trois Sauternes à prix doux, deux délicieux monbazillacs à prix dérisoire, et des AOC d’Alsace et d’Anjou qui valent le détour…
Le jeudi 6 janvier, c’est l’Epiphanie
Autrement dit l’adoration des mages, selon la légende, Melchior, Balthazar et Gaspard auraient suivi l’étoile – peut-être la comète de Halley, prétendent certains astronomes – jusqu’à la crèche de Bethléem pour rendre hommage à l’enfant Jésus. Du coup, depuis les saturnales romaines, et à tout le moins depuis le XVIe siècle, les chrétiens dégustent le gâteau des rois.
Aujourd’hui, cette tradition pâtissière, selon les régions, prend la forme d’une galette à la frangipane, d’une brioche en forme de couronne, voire d’une galette fourrée aux pommes. La première, qui est parisienne, a pris le dessus sur les autres. Au début, c’était le dessert d’un dimanche. Mais ces dernières années, on s’en goinfre pendant un mois et demi.
La galette, incontournable avec un blanc moelleux
Alors, Mohamed vous le dira avec les yeux qui brillent, c’est une occasion unique de déboucher une belle et bonne bouteille de vin blanc moelleux ou liquoreux. Il a indubitablement raison. J’émettrai seulement un bémol : si votre région privilégie la couronne de brioche, ne tergiversez pas, c’est Champagne. Mais s’il s’agit de galette aux pommes ou à la frangipane, vous avez l’embarras du choix : ce sera moelleux ou liquoreux.
D’abord, il s’agit de faire la différence. Un blanc moelleux, c’est un vin qui présente un taux de sucres résiduels compris entre 10 et 45 grammes par litre, tandis qu’un liquoreux dépassera les 45 grammes.
Des liquoreux, la France en produit à peu près partout depuis le XVIe siècle.
Ce sont les navigateurs hollandais qui ont converti nos vignerons à cette spécialité, tout simplement parce qu’ils avaient un marché pour ces vins, en Europe du Nord et dans la Baltique. Comme à l’époque, il n’y avait pas de sucre – très peu encore de sucre de canne et pas du tout de sucre de betterave – il fallait se débrouiller avec le botrytis. C’est ce que les Bataves, dont les navires de haute-mer remontaient loin dans les terres, ont expliqué aux vignerons français. Le botrytis, c’est un champignon, une « pourriture noble » qui ravage la vigne quand la chaleur, l’humidité et le brouillard s’en mêlent. Les grains des raisins blancs, gorgés de sucres, s’atrophient jusqu’à laisser un suc, un moût, qui donnera, de merveilleux vins doux…
Du botrytis … au vin de paille
Ces vins « hollandais », on les retrouve bien sûr dans tous ces vignobles blancs que baignent les fleuves. Dans le Jurançon et le Pacherenc-du-vic-bilh, accessibles par le Gave de Pau, à Sauternes et à Monbazillac, que les navires atteignaient en remontant la Garonne et la Dordogne, et enfin dans les coteaux du Layon, les coteaux de l’Aubance, voire à Savennières et à Jasnières que les commerçants bataves rejoignaient en navigant sur la Loire.
Le vignoble alsacien produit des rieslings, des pinots gris, des gewurztraminers et des muscats moelleux en « vendanges tardives », c’est à dire après avoir attendu que se développe le botrytis évoqué plus haut, et même des blancs liquoreux en « sélection de grains nobles », lorsque l’on cueille une à une les baies les plus marquées par cette pourriture noble.
Il n’y a pas que le botrytis Hollandais. Pour être exhaustif, les vins de paille – où les grappes, coupées et conservées sur un lit de paille, perdent leur eau et concentrent leurs sucres – donnent des blancs moelleux dans le Jura ou dans la vallée du Rhône, par exemple en Hermitage.
Parce qu’ils exigent davantage de patience, de manipulation, de travail, parce que leurs rendements sont plus faibles aussi, ces moelleux et ces liquoreux sont évidemment assez chers.
Accord vins et menus d’Epiphanie
Aussi, laissez-nous vous suggérer de composer un menu qui accordera la bouteille de votre choix, parmi celles qui suivent avec tous les plats. Commencez par une terrine de foie gras, continuez avec une escalope de foie gras poêlée, servez ensuite un fromage de Roquefort et enfin terminez votre repas dominical par la galette des rois.
Trois pépites : Duc de Sauternes, Les Carmes de Rieussec et Château du Mayne La Merci (Barsac)
Commençons par ces prestigieuses appellations bordelaises qui vinifient des vins de grande beauté à des tarifs on ne peut plus raisonnables.
D’abord, Duc de Sauternes, le vin de la Maison du Sauternes, une association qui regroupe une cinquantaine de producteurs. Cette cuvée provient de l’assemblage des meilleurs lots apportés par les associés. Ainsi, selon le magazine « Le Point », « les plus petites maisons tout comme les plus grands domaines sont regroupés au sein d’une bouteille. » On a un nez de fumée, de fruits jaunes, une bouche dense, puissante, riche et longue, pour la modique somme de 20 euros.
On vous conseille aussi Les Carmes de Rieussec (18 euros), second vin du château Lafite – propriété de la famille de Rothschild – sélectionné à partir des mêmes bases que le grand vin.
Saskia de Rothschild, qui dirige désormais le domaine, garantit une belle amplitude aromatique avec une palette d’agrumes dominante.
Enfin, le Château du Mayne La Merci, grand cru de Barsac élaboré par Gilles et Brigitte Bourjade avec leur fille Caroline propose, également pour 20 euros, un vin bien équilibré par une acidité tonique, avec une bouche vive, tendue et élégante, et une finale sur les amers du pamplemousse.
Deux monbazillacs à prix très doux
C’est au flanc de cette colline qui domine la Domaine La Garonne, face à Bergerac, que Stéphane Géraud vinifie un vin aux arômes de pâte de fruits jaunes, d’abricot bien mûr, très frais en bouche, très équilibré, à la finale nette. Ce Château Haute-Fonrousse est vendu 9 euros.
Propriété de la cave coopérative, le Château de Monbazillac propose une Sélection de Grains Nobles pour 10 euros. Avec son nez de fleurs blanches, cette cuvée Marquis de Chamterac offre une bouche fruitée et élégante.
Un quart-de-chaume semblable à du miel
Président des blancs d’Anjou, Patrick Baudouin est un amoureux du chenin, le cépage de la Loire qu’il considère à juste titre comme aussi prestigieux et qualitatif que le chardonnay en Bourgogne. Ecrivain, conférencier, le vigneron de Chaudefonds-sur-Layon est avant tout un magicien de la vinification qui réussit de superbes blancs secs. Le domaine Patrick Baudoin possède aussi une parcelle des Zersilles, en appellation Quart de Chaume où il produit, lorsque l’année est propice à l’apparition du botrytis, un grand vin liquoreux de méditation, de cuisine épicée, de curry d’agneau ou de foies gras poêlés. N’hésitez pas à casser votre tirelire pour cet unique grand cru classé de la Loire (45 euros), vous ne le regretterez pas.
Deux domaines d’Alsace exceptionnels
C’est Serge Dubs, le président des sommeliers alsaciens, qui nous a mis sur la piste de Xavier Meyer, « l’un des jeunes les plus prometteurs de notre région ». Au Domaine Eugène Meyer, le jeune homme s’intéresse particulièrement à la mise en valeur des terroirs : « Un vin, confie-t-il, est réussi sur un lieu-dit quand on n’arrive plus à identifier le cépage ». De ce point de vue, ses vendanges tardives riesling 2011, gewurztraminer 2011, pinot gris 2015, comme son pinot gris 2009 en sélection de grains nobles sont d’incontestables réussites.
Compter entre 23,80 et 28,80 la bouteille, ce qui est loin d’être excessif.
A Eguisheim, un village proche de Colmar, Michel Ginglinger s’est fait le défenseur d’une nouvelle vision des alsaces. Pour concurrencer les grands blancs de gastronomie, ceux de Bourgogne ou de la vallée du Rhône, les vignerons alsaciens doivent à faire des vins blancs secs, sans aucune sucrosité résiduelle. Seule exception, à ses yeux, le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 2017 que le Domaine Paul Ginglinger vend 44 euros la bouteille.
Où trouver les vins de l’Epiphanie
Lire : Quand le vin fait sa révolution, Etienne Gingembre et Mohamed Najim, Ed. du Cerf, 2021, 288 p., 20€, et sa « constellation de vins d’exception, de vins de gourmandise, de vins de saveurs, de vins d’émotion »
Sélection de vins d’Epiphanie
Sauternes
- Maison du Sauternes, Duc de Sauternes, 14 Place de la Mairie, 33210 Sauternes – Tél. : +33 (o) 5.56.76.69.83
- Les Carmes de Rieussec, Domaines Barons de Rothschild (Lafite), 33210 Fargues, – Tél. : +33 (0) 5 57 98 14 14
- Château du Mayne La Merci, 6 Mayne, 33720 Barsac – Tél. : +33 9 50 03 65 45
Monbazillac
- Château Haute-Fonrousse, La Haute Fonrousse 24240 Monbazillac, Tél. : +33 6 14 22 15 04
- Château de Monbazillac, cuvée Marquis de Chamterac, Le Bourg, 24240 Monbazillac – Tél. : +33 5 53 63 65 00
Quart de chaume (Anjou)
- Domaine Patrick Baudoin, Quart-de-chaume, Princé – 49290 Chaudefonds-sur-Layon – Tél.: +33 (0)2 41 74 95 03
Alsace
- Domaine Eugène Meyer, 21 Rue de Bergholtz Zell, 68500 Bergholtz – Tél. : +33 (0)3 89 76 13 87
- Domaine Paul Ginglinger, 8, place Charles de Gaulle, 68420 Eguisheim – Tél : +33 (0)3 89 41 44 25
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