Culture

Vincent Morel se projette au-delà du Festival Bach en Combrailles

Auteur :  Olivier Olgan
Article publié le 30 juillet 2024

Après huit années d’engagement passionné pour le Cantor de Leipzig, Vincent Morel quitte la direction artistique du Festival Bach en Combrailles du 5 au 10 août 2024 sur une édition de 21 événements dont : 12 concerts, avec notamment les ensembles Les Muffatti (dir. Bart Jacobs), Marilou, Masques (dir. Olivier Fortin), Les Récréations ou L’Encyclopédie (Florent Albrecht), 5 auditions d’orgue en alternance (Yves Rechsteiner, Benjamin Righetti) et  jeunes talents (Alma Bettencourt, Lillian Gordis) et 4 « cafés Bach ». Il confie à Olivier Olgan son ambition pour cette aventure musicale singulière au cœur du Massif central. A la fois une forme d’aboutissement et un manifeste engagé pour le dialogue entre patrimoine et création.

Quoi de neuf sur Bach depuis les 25 ans de la création du festival ?

Vincent Morel. Et bien justement, pas grand-chose ! Car les fondamentaux posés par le fondateur font le succès 25 ans après de ce festival : un projet qui s’appuie sur son territoire et qui ne dévie pas de la ligne artistique posée par Jean-Marc Thiallier, le fondateur.

La constance dans la ligne est le vrai succès de festival.

En 2004, quand mon prédécesseur Patrick Ayrton a repris le festival, il a imposé très vite un rayonnement très important du festival avec la présence de musiciens et des ensembles étrangers de premier plan. La présence de Gilles Cantagrel à incontestablement était aussi une caution « morale » pour ce festival.

Quand j’ai repris le festival, en 2017, je suis resté dans la même ligne, mais en donnant une place plus importante aux artistes français afin de redonner de la visibilité à ce festival en France. L’édition de l’année dernière ainsi que celle de cette année, renouent avec une place plus importante donnée aux artistes internationaux.

Le format du festival n’a, lui, pas beaucoup évolué depuis 25 ans : seconde semaine d’août, audition d’orgue à midi, concerts à 16h et 21h, nocturnes (nous n’en faisons pas cette année, car techniquement pas possible).

J’ai « seulement » ajouté des « Café-Bach » le matin à 10h. Enfin, nous sommes un peu plus présents dans des villes comme Riom ou Châtelguyon. Nous quittons brièvement les Combrailles pour aller dans un théâtre à l’italienne, mais aussi pour élargir les possibilités de financement (car de ce côté-là, en 25 ans d’histoire, nous avons toujours le sentiment de repartir d’une feuille plus ou moins blanche, le financement était très difficile à stabiliser…).

Enfin, l’audace qui a présidé à la création de ce festival est toujours là. La création d’une cantate en 2019, puis une seconde cantate cette année, s’inscrit dans un même élan d’aller de l’avant, de nous dépasser.

Comment avez-vous réussi à faire avancer le rayonnement de Bach à chaque édition ?

La présence de davantage de musiciens français a permis de repositionner le festival dans la « ligne de mire » du public spécialisé français, mais aussi de la presse. Les nombreuses résidences d’artistes (je pense surtout à la collaboration avec Jean-Luc Ho) et des artistes qui « rayonnent » en France ont permis ce regard renouvelé sur ce festival dans le cadre des éditions successives.

J’ai aussi toujours attaché une très grande importance à la communication. Cette dernière doit être maîtrisée par le directeur artistique, et je suis très heureux de la collaboration avec Marge Design. La communication, les résidences d’artistes, les projets spécifiques autour de l’orgue et une ligne artistique toujours lisible ont contribué, je crois, à faire rayonner ce festival.

Ce qui me réjouit, c’est que la part de public venant de Département du Puy-de-Dôme, a augmenté de 11% depuis mon arrivée, suite à l’étude du public menée en 2023. 49% du public vient du Puy-de-Dôme, quand il était de 38% en 2016. L’exigence et la spécificité artistique ne sont donc pas incompatibles en milieu rural !

Votre engagement a-t-il permis de faire émerger de nouveaux ensembles portant un nouveau regard sur Bach, lesquels ?

Nous avons eu des liens forts avec des ensembles tels que L’Escadron Volant de la Reine, l’ensemble Artifices d’Alice Julien-Laferrière, et Les Timbres. Ces trois ensembles sont venus à plusieurs reprises à Bach en Combrailles pour des résidences. Pour les deux premiers ensembles cités, je crois que nous avons eu un réel rôle d’accompagnement et de visibilité, avec des programmes créés chez nous et repris ensuite en diffusion.

A la question qu’aurait fait Bach, pour fêter un 25e anniversaire ? pourquoi pensez-vous qu’il aurait écrit une cantate ?

L’Orgue de l’Eglise de Pontaumur est une restitution de l’orgue d’Arnstadt, premier instrument dont Bach fut nommé titulaire en 1703 Photo DR

Parce que Bach lui-même a composé des cantates pour célébrer des anniversaires ! On connaît une petite quinzaine d’œuvres spécialement dédiées à ce contexte, souvent destinées au souverain de la Maison de Saxe, de la noblesse locale de Leipzig ou encore à l’adresse des professeurs de l’Université de Leipzig. Ces cantates profanes sont souvent le lieu de réemploi d’œuvres antérieures.

Au fond, ce qui m’importe c’est de donner du sens à ce que nous faisons. Je crois que la création contemporaine, présentée aux côtés de l’œuvre d’un tel créateur, cela fait sens. Ces créations donnent au festival une autre dimension à son rôle de « spectacle vivant ».

Nous ne sommes pas seulement des passeurs d’un patrimoine d’exception, nous sommes aussi là pour que la notion de création puisse s’exprimer dans le cadre précis qui est le nôtre : celui d’un festival où l’orgue à une place singulière et dans les critères d’interprétation de la musique ancienne.

Comment la création  de la cantate Laudato Si’ de Bernard Foccroulle  entre-t-elle en résonance avec le projet et l’avenir du Festival  ?

Oui tout à fait, elle s’inscrit dans la continuité de la cantate Nun Komm de Philippe Hersant que nous avons créée en 2019 pour les 20 ans du festival. Il appartiendra à ma ou mon successeur de faire perdurer (ou pas !) cette dynamique de création tous les 5 ans…J’aimerai que ces cantates soient un jour enregistrées avec l’orgue pour lequel elles sont composées, mais ça, c’est un autre chantier.

Enfin, la cantate Laudato Si’, est d’autant plus « vivante », qu’elle interroge notre relation avec le vivant, avec ce très beau texte de François d’Assise qui rend hommage à « frère soleil, frère vent , frère feu », à « sœur eau, sœur lune et les étoiles »…
C’est aussi pour moi très important de continuer d’accompagner des ensembles, et le festival est heureux de cette précieuse collaboration avec Le Banquet Céleste. C’est important que nous soyons aux côtés de cet ensemble, qui expérimente un modèle original de collectif artistique suite au départ récent de son chef fondateur Damien Guillon. C’est un projet que nous portons ensemble et sans ce type de collaboration nous ne pourrions pas envisager de monter de tel projet.

L’art est ici le vecteur de l’émerveillement de cette nature magnifique que nous observons, notamment, dans ce beau territoire des Combrailles. Nous interrogeons délicatement ce sujet central, à chacun de prendre cette musique comme il l’entend.

Quelle est votre prochaine aventure après vos 8 années au Festival Bach e Combrailles ?

C’est avec ce même engagement pour une culture d’excellence au service de tous en milieu rural que je me dédie désormais totalement à la direction de RESO Nièvre, exemple unique en France d’un établissement public de coopération culturelle en charge d’un réseau départemental d’établissements d’enseignement artistique !

Propos recueillis par Olivier Olgan le 30 juillet 2024

Pour en savoir plus sur le Festival Bach en Combrailles

Découvrir la chaine youtube du Festival
et la playlist de Vincent Morel

Suivre la 25e édition du 5 au 10 août 2024 : 2 anniversaires et 1 création mondiale;  célèbre à la fois les 20 ans de l’orgue de Pontaumur, et les 25 ans du festival fondé en 1999 par Jean-Marc Thiallier avec 21 événements dont : 12 concerts, 5 auditions d’orgue et 4 « cafés Bach »

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