Culture

Anne et Patrick Poirier inscrivent dans la pierre la fragilité de l’âme du monde

Auteur : Marc Pottier, Art Curator basé à Rio de Janeiro
Article publié le 12 aout 2021

[Découvrir les artistes d’aujourd’hui] Se désignant comme ‘sculpteurs, archéologues et architectes‘, Anne et Patrick Poirier interrogent la mémoire, et la fragilité des civilisations avec une esthétique du fragment et de la ruine de Cités imaginaires. Ces grands voyageurs, arpenteurs de sites, refusent les rôles conventionnels d’artiste pour fusionner de multiples sciences, de l’ethnologie à l’anthropologie. Les expositions Anima Mundi, à l’Abbaye Thoronet jusqu’au 18 octobre, La mémoire en filigrane au MRAC de Sérignan jusqu’au 20 mars 2022 permettent de s’investir dans l’œuvre de ce couple fusionnel qui sait toujours s’approprier les espaces où ils exposent.

Marqués par la violence et la fragilité du monde

Anne et Patrick Poirier à l’abbaye du Thoronet, revendiquent une oeuvre « à deux cerveaux », 2019 Photo Ambroise Tézenas CMN bd

Des inséparables à la force tranquille : Anne aux cheveux coupés court à la garçonne et au regard enfantin est née en 1941 à Marseille. Patrick avec ses lunettes rondes ultra designées à l’aspect télescopique est né à Nantes en 1942. Deux enfants de la guerre profondément touchés par les ravages qu’ils ont vécu autours d’eux. En 2002, la perte de leur fils unique Alain Guillaume fut une blessure qui reste ouverte et ne pouvait pas détourner leur regard sur la fragilité du monde.

Leur travail porte ainsi la marque de cette violence, de la vulnérabilité et de la précarité de la vie, des civilisations et de leurs langues. Ces caractéristiques se retrouvent dans leurs reconstitutions archéologiques imaginaires et leur passion pour les ruines. L’œuvre comporte une très grande diversité de médium et d’échelle. Ils aiment ainsi mêler les techniques, en passant de la photographie, à l’utilisation d’herbier et bien entendu, à la sculpture sous forme de maquettes ou de sculptures monumentales.  » Notre travail n’est pas un travail théorique, revendiquent-ils, c’est un travail qui est provoqué par les lieux – par le Genuis loci – et évolue avec notre vie même. »

Faire un travail à deux cerveaux 

Anne et Patrick Poirier. Tantis Operibus Tantis Ruderibus, 1986 © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. Galerie Mitterrand

Les deux étudiants à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris ne pouvaient tomber amoureux qu’en se rencontrant sur un banc du Louvre devant le tableau « Et in Arcadia ego » de Nicolas Poussin (1594-1665) représentant des bergers réunis autour d’un tombeau. Ils ne se sont plus quittés. Tous les deux Prix de Rome en 1967, ils s’installent à la Villa Médicis, de 1968 à 1972 avec la bienveillance du directeur de l’époque qui n’était autre que le grand Balthus (1908-2001). C’est là qu’ils décident alors de « faire un travail à deux cerveaux ».

Suivront Osaka pour le Pavillon Français pour l’exposition Universelle de 1970, occasion d’un long voyage en Asie, Berlin (1977-1978), New York (1980), le Getty Reasearch Institut à Los-Angeles (1994-1995) où ils participent à une réflexion sur le thème de la mémoire avec des philosophes, des historiens de l’art, des psychanalystes et des chercheurs. Ce type d’échanges est tout ce qu’ils aiment pour mieux repenser le monde et ses héritages.

 Dans l’œuvre de ce duo, c’est le ‘nous’ qui prévaut

Cosmos. Anima mundi, abbaye du Thoronet © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. © Jean-Christophe Lett CMN

« Entre nous, c’est un jeu de ping-pong permanent. Il faut vraiment que nous ayons la même idée, la même vision mentale pour réaliser un projet. Et alors, peu importe qui a fait quoi. » expliquent-ils. C’est donc le ‘nous’ qui prévaut dans le travail de ce véritable duo d’artistes, à l’instar des Delaunay, de Bernd et Hilla Becher ou encore de Gilbert and Georges. Anne précise cependant : « Ce qui distingue notre travail des autres couples qui travaillent ensemble, c’est qu’on n’a aucune spécialisation. Même si Patrick préfère faire certaines choses et moi d’autres, tout est signé ensemble. On considère notre œuvre comme complètement commune et on participe chacun à toutes les étapes de la fabrication et de la réalisation d’un travail ou d’un projet ». Leurs œuvres, fusion intime de leur démarche créative sont donc bien évidemment signées en commun.

De la métaphore du temps qui détruit, à la rethorique qui construit l’histoire

Anne & Patrick Poirier Mnémosyne, 1990 exposition Chateau La Coste, 2021 © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. ©
Wearecontent(s) Stéphane Aboudaram

Leur première gigantesque reconstitution-maquette imaginaire en terre cuite, du port romain de la ville d’Ostia Antica (1970-1972). Cette œuvre montrait  leur volonté d’interroger les traces du passé, définies comme « une métaphore pour exprimer le temps qui détruit tout, une espèce de grande vanité ou la destruction de l’histoire ». Aux antipodes de toute nostalgie romantique, ils scrutent le temps présent. « La «dialectique de l’ensevelissement et de l’exhumation, par où l’espace est transformé en temps», qui caractérisait déjà dans les années 1970, selon Thierry de Duve, la démarche des Poirier, induisait ainsi une pratique transversale où « se rencontraient l’archéologie, l’histoire, la psychanalyse, c’està-dire un ensemble de connaissances qui, jusque-là, du moins de cette façon, n’avait pas été abordé par les artistes?(…) Il s’agit pour eux, en archéologues et en architectes, de «rendre forme à l’informe, d’ordonner le chaos39 »» écrit pertinement Évelyne Toussaint dans son article ‘Anne et Patrick Poirier. Retours vers le(s) futur(s)‘ (Rosa Plana. Le Temps des Styrènes, Presses universitaires de la Méditerranée/École Supérieure des Beaux-Arts de Nîmes).

20 ans plus tard, Mnémosyne, gigantesque maquette d’une Cité et/ou d’une réthorique révée, de 1990 – présentée à Chateau La Coste début 2021 – exprime aussi un temps qui construit, un raisonnement qui batit un savoir.

L’immortalité ne les séparera pas

Comble de l’ironie pour un couple qui place la mortalité des civilisations au cœur de son oeuvre, Anne est devenue immortelle ! Faute de nouvelle règle pour permettre de faire élire un couple créatif à l’Académie des Beaux-Arts, seule l’élection d’Anne en juin de cette année au fauteuil du sculpteur Gérard Lanvin (1923-2018) crée désormais une distinction entre eux.

Patrick désigné ‘correspondant’ par l’Académie veille au grain et insiste beaucoup sur la précision des dénominations : Anne (comme lui, bien entendu) est « sculptrice, archéologue et architecte », il n’est donc pas question de la qualifier ni d’ « artiste » ni de « sculptrice, nous touchons à de multiples disciplines qui vont jusqu’à l’ethnologie, l’anthropologie », justifie-t-il.

Une combinaison érudite d’objets imaginaires

La voix des vents. l’installation dans l’abbaye du Thoronet avec ses tintements de clochettes en bronze suspendues au micocoulier puise sa source dans les souvenirs de voyages du couple au Népal où « la tradition bouddhique attribue à ces sons le pouvoir d’éloigner les démons et de remercier les dieux ». © Anne et Patrick Poirier. ADAGP © Jean-Christophe Lett CMN

Locus Solus (Lieu Unique) de Raymond Roussel (1877-1933), lecture recommandée par Balthus, est devenue une référence littéraire majeure pour Anne et Patrick Poirier. La conviction qu’une œuvre n’a pas besoin de contenir quoi que ce soit de réel, qu’elle peut être exclusivement une combinaison d’objets imaginaires convient bien à un travail à forte mythologie fantastique. « Nous considérons un peu nos travaux, non pas comme des textes, mais comme une rêverie, un poème. Il y a un côté très littéraire dans notre travail » confient-ils. Pour comprendre encore mieux leur univers complexe et ils citent volontiers faisant parties de leur panthéon imaginaire : le metteur en scène allemand Werner Herzog (1942-) proche du romantisme de Caspar David Friedrich, les cris du dramaturge autrichien Thomas Bhernard (1931-1989), le metteur en scène américain Bob Wilson (1941-) et son « Regard du Sourd », enfin les structures répétitives du compositeur américain Philip Glass (1937-)… Ils sont les piliers toujours présents de l’évolution de travaux où la faux de la mort et leur lutte contre l’oubli n’est jamais loin.

Des fictions montrées sur un fil

Le Temple aux cent colonnes, 1980 (détail) © Anne et Patrick Poirier. ADAGP

« Quand nous commençons à travailler, nous accumulons des dessins sans savoir ce que nous allons en faire, ce sont des notes : un plan de bâtiment, celui d’une ville dans son ensemble, l’idée d’une fiction. Ensuite, nous en réunissons quelques-unes sur une page ; ces stratifications rendent visible une partie des étapes de la création. Nos dessins parlent de nos sources, de nos lectures, de nos hésitations, de nos inventions. Nous montrons des choses sur un fil : les ruines, la pollution, la fragilité de la nature, de la culture… Nous avons toujours voulu comprendre le monde qui nous entoure, sans nous intéresser vraiment aux mouvements de l’histoire de l’art, ni aux avant-gardes, ni aux arrière-gardes. » précise le couple fusionnel.

La dystopie n’est pas loin

Ouranopolis, 1995, Villa Medicis, 2019 © Anne et Patrick Poirier. ADAGP.

Comme le passé, le futur est fragile et peut disparaître dans le chaos. Ainsi à leur exposition à la Villa Medicis en 2019, ils ont, entre-autre, présenté « Ouranopolis » (1995), un vaisseau-ville volant indéfinissable avec des mondes miniatures, destiné à un voyage dans l’immensité de l’espace astral. Il est motivé selon eux par la nécéssité d’une sauvegarde de notre humanité : « La culture est menacée, et il faut la préserver d’une éventuelle catastrophe dans cette bibliothèque imaginaire. À l’époque, nous habitions Los Angeles et nous étions portés par le cinéma ».

Anne et Patrick Poirier, Danger Zone, Installation pour Eldorama, Tripostal, 2019 Photo © Maxime Dufour pour Oui SNCF

Pour l’exposition Eldorama en 2019 au Tri Postal de Lille, Anne et Patrick Poirier imaginent cette fois-ci, comme des auteurs d’un roman d’anticipation, un abri de fortune des survivants d’une catastrophe écologique fictive. C’est la question de l’ici et de l’ailleurs, de l’inconnu, de l’aspiration à une vie meilleure et du dépassement des limites qu’ils explorent.

« Nous avons toujours essayé de transmettre ce que nous recevons des lieux. Nous pensons que les lieux ont un génie, le genius loci, et qu’une transmission s’y fait. Une transmission qui n’est pas visible mais qui est audible, que l’on peut percevoir au niveau de la mémoire. Cette transmission peut être sonore ». Cette harmonie du lieu et de l’oeuvre revient comme un mantra quand ils parlent de leur travail.

En symbiose avec la nature

La mort d’Éphialte, 1982 Fattoria di Celle © Anne et Patrick Poirier. ADAGP

Et plus qu’aucun autre espace, cet esprit des lieux s’épanouit dans les jardins. Depuis leurs tous débuts, leur œuvre a toujours épousé les paysages et le contexte naturel. Ils sont recherchés pour leurs installations souvent monumentales qu’on retrouve dans les lieux publics aux quatre coins de l’Europe. Nous avons essayé de lister leurs travaux français les plus significatifs en annexe.

Parmi les plus exemplaires, La mort d’Éphialte, 1982 à la Fattoria di Celle, près de Pistoia (Florence) à l’invitation du collectionneur Giuliano Gori s’inscrit en parfaite symbiose avec l’exubérance du jardin maniériste italien. Ici, la dramaturgie du sujet mythologique, la lutte des Géants contre les Dieux, dialogue parfaitement entre la cascade et son bassin nichés dans un vallon boisé. Leur mise en scène théâtrale et grandiose initie une série qu’ils vont dénomer non sans ironie « Gigantomachie ».

 Une architecture mémorielle exhumée

L’oeil de la memoire, Chaumont-sur-Loire © Anne et Patrick Poirier. ADAGP.

Certains auront peut-être eu la chance de découvrir leurs œuvres dans le parc de Chaumont-sur-Loire dont la première forteresse remonte au Xème siècle. « Lieu de Rêve », Capella dans la Clairière, « L’œil de la Mémoire » et « L’œil de l’Oubli » ont été l’occasion de créer d’ autres fictions liées à l’Histoire des lieux : fauteuil de granit noir sur le dossier duquel est gravé en dorure un labyrinthe elliptique s’apparentant à un cerveau, ce bloc de pierre, l’endroit où aurait pu être construite la première église de Chaumont ; une chapelle comme une architecture redécouverte par des archéologues avec de grands fragments de pierre blanche tombés au sol comme écartelés. On peut lire, sur la face nettoyée et visible de huit grandes stèles, dégagées de la terre et du lierre qui les dissimulaient, une série de mots qui bout à bout semblent former une phrase.
Proche de cette « capella », recouvert de lianes et de mousses, enfoui sous le lierre, fut dégagé un énorme bloc monolithe de marbre avec l’inscription OCVLVS HISTORIAE à peine lisible en hautes lettres antiques. Apparait aussi un oeil gigantesque, un regard défiant le temps, vestige d’une culture. Une autre Vanité inventée par les Poirier.

L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn. La Conscience.  Victor Hugo

Oculus Memoriae & Oculus Historiae. Chaumont-sur-Loire © Anne et Patrick Poirier. ADGP

Oculus Historiae’, ‘Oculus Memoriae’, souvent des fragments de colosses abattus dont seuls les yeux restent intacts, apparaissent comme le symbole des restes d’une conscience du temps passé. « A Angkor, nous avons été fascinés par ces énormes architectures et sculptures aux visages souriants dévorés par la nature, construites et sculptées par énormes fragments rectangulaires … Nos déambulations dans les sites archéologiques nous conduisaient, entre-autre relevés et herborisations, vers les statues que le temps avait érodé et brisé : les yeux de ces statues restaient intacts alors que la bouche, le nez ou les oreilles avaient été brisés : seul, leur regard fixait l’Histoire : MEMOIRE … » précisent-ils quand on leurs parle de l’importance des yeux dans leur œuvre.

Anima Mundi, à l’Abbaye Thoronet

Anima mundi. Anima mundi, abbaye du Thoronet, 2021 © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. © Jean-Christophe Lett CMN

Inspiré par le génius loci de l’abbaye cistercienne, la douzaine d’œuvres associées à chaque lieu par les Poirier revendique d’interpeller « à la fois aux sens – ouïe, vue odorat -, à la mémoire ainsi qu’à l’esprit du visiteur », pour une promenade bucolique méditative entre mémoire et rêve, réalité et spiritualité.
S’il est difficile de revenir sur chacune tant elles multiplient les correspondances synesthésiques et civilisationnelles, voici comment se répondent deux oeuvres centrales :

« Memoria mundi » (Mémoire du monde) renvoie à la notion de mémoire incarnée dans le motif récurrent d’un cerveau schématisé. Le tapis en laine, en forme d’ellipse, est bordé de mots latins recensant les thématiques sans relâche abordées par Anne et Patrick Poirier : memoria, natura, anima, archeologia, utopia

Reflets de l’âme. Anima mundi, abbaye du Thoronet, 2021 © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. © Jean-Christophe Lett CMN

En résonnance avec Memoria mundi, « Reflets de l’âme » est un cerveau éclairé de l’intérieur en pâte de verre et surplombé d’un globe terrestre. Il repose, dans l’axe du maître-autel, sur un miroir elliptique gravé dans lequel l’éclat de ses nuances bleues, roses et blanches fluctue à l’instar des pensées et des sentiments humains. Dans le même esprit, « Les vibrations de l’âme » proposent une allégorie sonore des émotions dont la musicalité de deux grands gongs en cuivre, placés de chaque côté du transept, se fait, de temps à autre, l’envoûtant écho que sublime l’acoustique de l’abbatiale.

« L’art et la création est une des seules forces de résistance qui nous restent » A&P.P

Anne et Patrick Poirier. Krypta. Anima mundi, abbaye du Thoronet © Anne et Patrick Poirier. ADAGP. © Jean-Christophe Lett CMN

Dire que le couple est marquée par la mortalité des civilisations n’est pas exagérée. « Cette fragilité de l’âme du monde, nous avons envie que les gens y réfléchissent. L’âme du monde est vraiment fragile, elle est en train de ficher le camp pour toutes sortes de raisons, en particulier à cause du matérialisme outrancier de notre civilisation contemporaine. Et cela est très grave parce que, quand elle aura disparu, quand la beauté du monde aura disparu, son âme disparaîtra et le monde avec ».

La mémoire est fragile, toutes les civilisations disparues en témoignent, mais les Poirier persistent à croire en la transmission et une certaine continuité de l’être. Les expositions Anima Mundi, à l’Abbaye Thoronet jusqu’au 18 octobre, La mémoire en filigrane au MRAC de Sérignan jusqu’au 22 mars 22 permettent d’évaluer notre civilisation -au-delà du tragique et de l’histoire.

Pour suivre Anne et Patrick Poirier

Pour infos : Galerie Mitterrand

A lire : Anne et Patrick Poirier, Flammarion, 2017, 264 p. 49€ édition bilingue dirigée par Laure Martin Avec la collaboration de : Sébastien Delot, Lorand Hegyi, Laurie Hurwitz, Angela Madesani, Robert Storr. Préface : Jean-Hubert Martin : «Enfants d’un siècle destructeur et de la guerre […] nous ne pouvions rester insensibles et muets devant la violence terrifiante de l’histoire, de notre histoire. Presque tous nos travaux sont ainsi marqués par ce sentiment d’extrême fragilité des cultures et des civilisations, c’est-à-dire de la mémoire.» Anne et Patrick Poirier.

A voir :

Jusqu’au 18 octobre 21, Anima Mundi, Abbaye Thoronet, avec le commissariat de Laure Martin ; habitués aux lieux sacrés (Chapelle de la Salpêtrière en 1983, Couvent de la Tourette en 2013), les Poirier ont investi l’abbaye cistercienne avec des « interventions discrètes, sans ostentation ni démesure, respectueuses de ce lieu d’âme et de mémoire. Elles font appel à la fois aux sens – ouïe, vue odorat -, à la mémoire ainsi qu’à l’esprit du visiteur, et s’inspirent du genius loci ». Parmi quelques-unes des œuvres présentées :

  • La chambre de l’abbé est devenue « La chambre des rêves et de l’oubli », une installation conviant à la contemplation et à la méditation. Devant l’unique petite fenêtre, une tenture en taffetas de soie rouge sur laquelle est brodée Sparire nel silenzio (Disparaître dans le silence) tombe jusqu’au sol et tamise la lumière de cet espace intime et austère. Du sol tapissé de plumes blanches, émerge une table rustique sur laquelle sont posés divers objets, livres, oiseaux naturalisés, crâne… évoquant les attributs de Saint-François d’Assise et Saint-Jérôme ainsi que leur amour et leur curiosité pour la nature.
  • Les chants du désespoir. et De anima. Anima mundi, abbaye du Thoronet

    Dans le dortoir, « Les chants du désespoir » rappellent les manuscrits et les antiphonaires patiemment élaborés et exécutés par les moines au Moyen Âge. Disposés sur des pupitres entre chacune des vingt fenêtres, ces grands dessins révèlent au visiteur attentif les questionnements et les craintes d’Anne et Patrick Poirier dans un saisissant contraste entre la vivacité colorée des motifs et la teneur sombre des mots qui en dramatique le message.

  • Dans l’armarium, Le voyage dans le temps se poursuit avec « Archè (L’origine) » dans les espaces du cloître. Émergeant d’un épais tapis de végétaux, ramassés au pied des arbres de la forêt avoisinante, et comme exhumé d’un chantier de fouilles, un oeil de marbre convoque l’idée d’un passé lointain, oublié dont les Poirier seraient les archéologues.
  • A l’intérieur du cellier, l’installation olfactive, « Le chant de la terre » rappelle par son odeur de vendanges, de raisin écrasé, la fonction première du lieu tout en évoquant la symbolique du vin dans la religion chrétienne.

Pour mémoire : Singular’s avait souligné la qualité des expositions de l’Abbaye du Thoronet pour Julio Villani et Marc Couturier

Autres œuvres permanentes à découvrir en France :

  • La grande colonne noire de Suchères, 1984-1985, installée en Auvergne sur l’aire d’autoroute éponyme. Cette Colonne monumentale écroulée et brisée illustre bien une scène de théâtre chère aux Poirier où les forces chthoniennes (ou telluriques) laissent les traces d’un « obscur chaos ».
  • Anne et Patrick Poirier. Grande colonne noire de Suchères, 1984-1985, autoroute Vinci © Anne et Patrick Poirier. ADAGP

    La Fontaine des géants, 1985, installée dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne, inspirée de la mythologie grecque et romaine, où la colère des Dieux détruit la statue qui s’écroule dans un grand chaos

  • Fontaine de la naissance de Pégase, 1985, au Château de la Celle-Saint Cloud, basée sur le thème mythologique de la naissance de Pégase,
  • Ruines d’Egypte, 1978, le surtout de table commande de la Manufacture nationale de Sèvres (1978), s’inspire des anciens moules du surtout égyptien de Napoléon Ier produit par la Manufacture de Sèvres en 1808 (lire catalogue Les tables du pouvoir, Louvre Lens, 21)

    Anne et Patrick Poirier. Ruines d’Égypte (surtout), 1980-2005. © Anne et Patrick Poirier. ADAGP

Partager

Articles similaires

Jean-Michel Othoniel, L’œil de la Nuit (O olho da noite) (MON de Curitiba, Brésil)

Voir l'article

Luiz Zerbini, Afinidades III, Cochicho (Museu Oscar Niemeyer Curitiba, Brésil)

Voir l'article

Le carnet de lecture de Sabine André-Donnot, plasticienne

Voir l'article

The infinite woman, Femmes Nabis, Cheval en liberté, Fontana, Lalique, Lavier, … six belles expositions en région à ne pas rater

Voir l'article