Culture
Corps à corps, histoire(s) de la photographie, de Marin Karmitz & de Julie Jones (Centre Pompidou)
Auteur : Patrice Gree
Article publié le 8 janvier 2024
Patrice Gree adore la photo. Il adore en faire, encore aujourd’hui ! « Corps à corps », qu’il a vu à Centre Pompidou malgré l’incertitude des grèves perlées est pour cet amateur d’images l’une des plus belles, des plus riches, de ces dix dernières années. Tout photographe ou collectionneur ne peut qu’être émerveillé jusqu’au 25 mars 2024 par ce rapprochement de deux fonds (comme le musée Réattu) – public du MAM, et privé d’un collectionneur – de plus 500 photographiques réalisées par plus de 120 photographes. Et stimulé par le double regard complémentaire et transversal – de Julie Jones, curatrice et Marin Karmitz, collectionneur – de la représentation de la figure humaine sur deux siècles. A chacun au jeu des correspondances de se faire sa propre histoire sur ces regards portés sur cet « autre » et parfois sur « soi-même ».
Un jeu infini de rencontres et de correspondances
Être en corps… pourrait être aussi le titre de cette exposition ! Encore…car c’est bien, entre autres, le sujet de la photographie qui témoigne cruellement de ce que nous fûmes ! Mais le travail du temps sur nos corps n’est pas, lui, le sujet de cette magnifique exposition du Centre Pompidou !
Le photographe disparaît derrière son appareil tout en se glissant au milieu de tout le monde. On ne le voit pas. Il sera la mémoire du moment ! L’idéal… Comme je les développais moi-même, je n’offrais que des portraits flatteurs ce qui m’assurait un succès qui malheureusement s’arrêtait à l’estime, incapable couillon catégorie premium que j’étais, de franchir la seconde étape !
Ce « Corps à corps » met face à face, des photographes très différents dans leur style, sur une thématique commune, donnée…le portrait ! et le résultat est très largement à la hauteur de l’ambition !
Près de 500 photographies, tout format, en noir et blanc principalement, sont exposées dans les salles un peu labyrinthiques du Centre Pompidou. Près de 500 photos devant lesquelles, un instant tu t’arrêtes, tant elles t’emportent . Et là tu te poses l’inévitable question qui n’aura pas toujours une réponse…
Pourquoi cette photo-là, me parle, et pas la suivante ?
Que te dit-elle de toi ou de ta perception du monde ? Il y a deux sortes de photos : les belles et les bonnes. Les belles n’ont pas toujours grand-chose à dire, contrairement aux bonnes qui peuvent aussi être belles…comme à Beaubourg ! J’ai toujours été surpris et amusé par le vocabulaire de la photo. On parle d’objectif, là où tout est subjectif ! On parle aussi de révélateur, sans dire qui est révélé ? Le sujet ? Le photographe ? Ou…le spectateur ? La photographie révèle les trois…
La photo agit comme une sorte de miroir, un peu flou parfois !
Beaucoup de photographes exposés, peu connus du public, peu de stars en sujet, surtout des anonymes qui deviennent des portes paroles de la misère sociale, de la détresse psychologique, de la solitude, de la violence, du désir, de la complicité, de l’amour tarifé, ou de la haine gratuite ! Photos qui témoignent, photos qui subliment…toutes ont quelque chose à nous dire d’un milieu, d’une époque, d’une esthétique…
Et puis il y a Beaubourg qui ferme bientôt … et c’est quand même de Beaubourg qu’on a la plus vue pour prendre une photo de Paris
Pour aller plus loin
jusqu’au 25 mars 2024, « Corps à corps », Centre Pompidou
Catalogue, sous la direction de Julie Jones, Editions du Centre Pompidou, 312 p. : En associant deux regards, deux collections, des deux confrontations sur l’idée de la photographie et du corps photographié, l’exposition « croisée » met en scène un face-à-face avec d’autres regards et autorise tous les liens historiques, en tisse de nouveaux inattendus, multiplie interprétations, lectures et récits, historiques comme personnels. Le parti pris est celui de la confrontation des œuvres entre elles, démontrant qu’elles ne se suffisent pas seulement à elles-mêmes et qu’elles doivent, par tous les moyens disponibles, être activées.
Des « histoire(s) » de regards photographiques apparaissent en filigrane.
Les luttes sociales et politiques, les crises successives et les événements traumatiques influent sur notre façon d’être et de vivre ensemble dans ce monde. Nos images en sont les témoins. Ces images participent ainsi à la définition des identités, à leur visibilité et à leur mémoire. Elles engagent la responsabilité de leurs auteurs et, à leur suite, de leurs spectateurs.
Julie Jones, commissaire
Les essais du catalogue mettent en lumière des correspondances entre artistes, connus et moins connus – de Brassaï à SMITH, de Dorothea Lange à Paul Strand, qui, à la même époque ou éloignés dans le temps, ont partagé des attentions communes dans le choix des sujets, des styles, « des manières de rencontrer l’autre ».
Nous ne parlons pas de portrait, de nu, de photographie humaniste, de féminisme, ou encore de photographie documentaire mais cherchons à donner à voir la nature complexe du rapport entre regardeur et regardé. Il est parfois aussi bénéfique d’appréhender une pratique en la déshistoricisant, pour finalement mieux la comprendre et la réintégrer, peut-être, dans une autre histoire.
Martin Karmitz
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