Cinq essais pour prendre du recul et mieux (se) préparer pour 2024
Atlas archéologique de la France, dir. Dominique Garcia et Marc Bouiron (Tallandier)
Dans son Atlas historique mondial, Christian Grataloup racontait par une cartographie éclairante la marche du monde, des origines de l’Humanité à nos jours. Avec 100 cartes et plans inédits, l’Atlas archéologique de la France (Tallandier) met en lumière la fabrique de la France sur 1 million d’années à travers ses strates historiques.
Pour ce tour de force éditorial, Dominique Garcia et Marc Bouiron s’appuient sur le recensement de 50 000 sites archéologiques répertoriés et synthétisent 200 ans de découvertes à la pointe de la recherche. A chaque page, le lecteur pénètre dans les « archives du sol » d’un territoire en construction à ciel ouvert, pour autant de pistes de réflexions pluridisciplinaires pour le passé comme le futur que de prétextes à excursions avec un autre regard.
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La guerre de l’information, Les États à la conquête de nos esprits, de David Colon (Tallandier)
Ukraine vs Russie, Israël vs Hamas, … il n’y a pas un jour où « cette guerre à laquelle nous n’étions pas préparés, qui s’est déroulée pour l’essentiel sans que nous en soyons conscients, et qui constitue pour nos démocraties une menace mortelle» ne cesse d’envahir nos écrans, brouiller les débats et renforcer les antagonismes cognitifs ». Après deux livres références sur la propagande, David Coulon se fait lanceur d’alerte dans « La guerre de l’information, Les États à la conquête de nos esprits » (Tallandier, 480 p. 23.90€.)
Son livre synthétique, à la fois historique et réflexif, rappelle que cette guerre sans début ni fin, brouille toutes les distinction entre l’état de guerre et l’état de paix, entre le front et l’arrière, et vérités et manipulations pour mieux déstabiliser les démocraties, cibles à abattre pour tout totalitarisme. Une alerte, un recul historique et des propositions pour préserver notre modèle de libertés d’un tsunami de désinformation !
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La vie des arts, de Jean-Marie Schaeffer (Thierry Marchaise)
Auteur d’une impressionnante bibliographie qui fait référence sur l’esthétique, Jean-Marie Schaeffer en publiant La vie des arts (Thierry Marchaise) cherche à éclairer tous ceux qui ont vécus de près ou de loin cette expérience unique où s’engage, à travers les œuvres d’art, de relations inouïes au monde et à nous-mêmes. La promesse tenue de ce « mode d’emploi » est « d’éveiller ou de renforcer la curiosité pour les arts saisis ‘sur le vif’, c’est-à-dire dans la pluralité de leurs formes, de leurs contextes sociaux et historiques, de leurs fonctions aussi. » A la manière de Socrate, il répond aux questions que chacun ressent de la réciprocité, de cette rencontre, pas toujours tranquille, pas toujours facile, que chacun peine souvent à affronter seul et de face.
Les questions que j’aborde, de même que la manière de les traiter, sont donc indissociables de notre manière actuelle de vivre (dans) les mondes de l’art. Et bien entendu aussi, chacun y vit à sa manière; je ne prétends donc nullement livrer le fin mot sur les questions que j’aborde, pas même le fin mot actuel.
D’une plume alerte et pédagogique, des grottes paléontologiques à NFT, le philosophe cerne et partage ce que « peuvent » et « font » les œuvres d’art avec une érudition bienveillante et ouverte pour les relier à l’écosystème historique – voire cognitif – qui leur permet de prospérer, « en les saisissant non pas dans l’abstrait, mais envisagées du point de vue de la dynamique de la vie des arts ».
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Mozart était une femme, histoire de la musique classique au féminin, d’Aliette de Laleu (Stock)
Le travail de « désinvisibiliser » les artistes femmes dans l’histoire des arts exige constance et inclusion « L’histoire de la musique classique au féminin », est à ce titre édifiant (Stock), tant Aliette de Laleu, lauréat Essai 2023 du Prix Littéraire des Musiciens contribue dans un style alerte et une playlist très riche à casser le mythe des femmes inspiratrices passives, dans l’ombre des compositeurs . Pourtant si elles ont toujours joué et composé, elles ont dû affronter deux principaux obstacles : d’abord celui de l’accès empêché aux carrières, puis celui de leur effacement des mémoires et des archives.
Cette « réhabilitation » est en marche en Occident, mais n’oublions pas qu’elle n’est ni linéaire, ni si évidente. A chacun d’y participer, à commencer par les écouter. Sans tomber dans un militantisme ostracisant qui brouille toute légitimité historique.
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Paul Virilio, La fin du monde est un concept sans avenir. Œuvres (1957-2010) éditées par Jean Richer (Seuil)
Si l’ouvrage par son format monumental tient la palme de l’impraticabilité, il est pourtant essentiel puisqu’il rassemble sous le titre « La fin du monde est un concept sans avenir» (Seuil), l’ensemble des 22 essais de Paul Virilio (1932-2018), urbaniste qui a construit sur le terrain en autodidacte des concepts féconds braconnés dans toutes les disciplines, de l’art à la métaphysique. Celui qui fut le grand observateur de la « désynchronisation de nos sociétés », et d’un sentiment de disparition, induits par la vitesse a souvent été marginalisé, accusé d’un pessimisme jugé excessif sur les évolutions de notre civilisation prise dans une accélération folle et mortifère.
Ma vision est critique, je suis un ennemi de la vitesse technique, de cette course vers la fin, vers l’ubiquité.
Paul Virilio
Pourtant ses concepts et néologismes comme « dromologie » étude des conséquences de la vitesse notre rapport au temps et à l’espace dans nos sociétés ultra-connectées, ou « l’écologie grise » la pollution du temps et des distances, au même titre que de la pollution de l’eau, de l’air et de la terre, sont parfaitement opérant pour éclairer la dynamique du monde. Paul revient ils sont devenus fous !
Pour aller plus loin lire notre chronique et écouter : Avoir raison avec… Paul Virilio