Culture

Cinéma : les 20 films que Calisto Dobson retient de 2022

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 23 décembre 2022 

Après son carnet de salles 2021, année tronquée dont les reports ont fait exploser l’offre en salles en 2022, malgré tout, des films importants ont marqué la rétine de Calisto Dobson.  Il confie à Singular’s son bilan critique de 20 films égrenés par ordre chronologique – 13 déjà chroniqués, de Licorice Pizza (Anderson) à La Conspiration du Caire (Saleh) et 7 heureux rattrapages, de Les Promesses (Kruithof) à Amsterdam (Russell)… De quoi ouvrir un appétit de pellicules pour 2023.

La salle reste essentiel au cinéma

2022 restera dans les mémoires comme l’année d’un tournant à la baisse la fréquentation des salles de cinéma ; la faute au COVID et à la concurrence de la VOD, pour les uns, surabondance ou médiocrité de l’offre pour les autres. Ce fût aussi l’année de la disparition d’un éternel commandeur, je veux parler de Jean-Luc Godard.

L’histoire a parfois des coïncidences qui font sens. L’explosion de l’offre à la maison a sans doute son mot à dire dans le déficit flagrant de spectateurs. Beaucoup diront pas que. Oui le prix d’entrée des salles plein tarif est certainement prohibitif. Pourtant certains voudraient nous faire croire qu’il suffit de rehausser la qualité de la prestation et donc le prix pour attirer de nouveau le chaland.

Il faut interroger sur l’inflation mal maitrisée de films passables, voire médiocres qui ne méritent pas une sortie en salles. La clé se trouve peut-être là, offrir un cinéma d’envergure qui donne envie de le partager collectivement dans l’obscurité. Car comme le disait si bien l’éminent cinéfils Serge Daney, « au cinéma on regarde et on voit un film, à la télévision on le visionne ».

Licorice Pizza, de Paul Thomas Anderson (05 janvier 2022)
avec Alana Haim, Cooper Hoffman, Bradley Cooper et Sean Penn.

L’année a débuté en fanfare avec Licorice Pizza. Paul Thomas Anderson prouve à nouveau si besoin était qu’il est l’un des grands cinéastes américains contemporains. Chacun de ses films méritant que l’on s’y attarde. Cette chronique d’une histoire d’amour annoncée au travers d’un hommage appuyé à Hollywood et au Los Angeles des années 70, est une pizza au réglisse délicieusement séduisante. Petit bijou de marivaudage pop aux relents sucrés doux amers, nous suivons un couple à la fraîcheur juvénile dans leurs tergiversations sentimentales et nous en sommes enchantés. Doté d’une image kodachrome et d’une bande originale idoine, ce film ravira votre hiver. Lire plus

 

Nightmare Alley, de Guillermo Del Toro (19 janvier 2022)
avec Bradley Cooper, Cate Blanchett, Rooney Mara, Toni Collette, Willem Dafoe, Ron Perlman, Richard Jenkins.

 La grande injustice de l’année est le revers commercial de Nightmare Alley. Grand film de cinéma à l’ancienne, il s’agit d’abord d’une bonne histoire tirée du roman Le Charlatan  de William Lindsay Gresham (déjà adapté en 1947 avec Tyron Power). Mené avec brio par sa mise en scène au cordeau et un casting de haute volée, ce film aurait dû conquérir un public populaire. Il n’en a rien été et c’est bien dommage. Les séances de rattrapage au coin du feu sont disponibles en VOD pour faire acte de contrition et regretter amèrement de ne pas l’avoir vu sur un grand écran tel que le Max Linder où il fût programmé. Lire plus

 

Les Promesses, de Thomas Kruithof (26 janvier 2022)
avec Isabelle Huppert et Reda Kateb.

Dans la veine d’un Exercice de l’État, ce film qui raconte la politique au plus près de sa pratique est une réussite. Tout d’abord par sa façon de montrer ce que veut dire le quotidien d’un édile, de ce qu’il est possible ou pas de faire et surtout ce qu’implique l’ordinaire d’un acteur de la politique. D’autant plus que le point de vue choisi est celui d’une maire d’une commune de banlieue aux problèmes structurels récurrents. Isabelle Huppert en élue rattrapée par l’insatiabilité du pouvoir et Reda Kateb en éminence grise sont juste parfaits. Aucun point de vue démagogique, une illustration de ce que veut dire faire de la politique.

 

Card Counter, de Paul Schrader (29 décembre 2021)
avec Oscar Isaac et Ty Sheridan.

 Oui je sais c’est triché, The Card Counter est sorti sur le fil en 2021 et je ne l’ai vu qu’en février. Ceci expliquant cela. N’empêche il s’agit d’un film d’une élégance formelle, tant dans la cinématographie que la mise en scène. Sans omettre une bande originale particulièrement soignée. Paul Schrader (scénariste de Taxi Driver et de Raging Bull entre autres), verra un jour sa carrière de réalisateur largement réévaluée. Depuis American gigolo et La Féline (ses deux succès sortent de l’ombre et camouflent un grand nombre de films méconnus qui mériteraient d’être mis en lumière). Que ce soit Light Sleeper avec Willem Dafoe ou encore The Walker avec Woody Harrelson pour ne citer qu’eux. Avec The Card Counter il atteint une plénitude qui condense les qualités éparpillées dans sa vingtaine de réalisations, de Blue Collar en passant par Hardcore ses deux premiers films jusqu’à son Chemin de la rédemption de 2017. Un cinéma d’une exigence permanente, sans gras avec chevillée à la caméra  la volonté d’un engagement jamais démenti.

 

After Blue Paradis Sale, de Bertrand Mandico (16 février 2022)
avec Elina Lowensöhn, Paula Luna et Vimala Pons.

Impossible de passer à côté de la dernière exaltation de Bertrand Mandico. After Blue Paradis Sale est une  furieuse toile sensorielle. Après nous avoir retourner le cortex avec son adaptation incroyable des Garçons Sauvages de William Burroughs, il nous plonge à nouveau dans un univers que lui seul sait situer. Un galerie de magnifiques monstruosités pour évoquer la quête d’une mère et sa fille à la recherche d’une figure maléfique pour l’éliminer. Au-delà d’une démarche à l’évidence féministe, il s’agit là d’un héritier des grands semeurs de poésie métaphysico psychédélire tels qu’un Alejandro Jodorowsky ou encore le Fernando Arrabal de J’irai comme un cheval fou.
À lui seul Mandico convoque tous les genres de cinéma pour en régurgiter une passionnante folie foisonnante. Lire plus

 

The Batman, de Matt Reeves (02 mars 2022)
avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell et Jeffrey Wright.

 Attendu au tournant pour être démoli, après avoir été hué par le net pour le choix de l’ex jeune premier Robert Pattinson, The Batman est une cinglante remise à leur place de tous les préjugés.

Magnifiquement sombre, il fallait oser défier la trilogie de Christopher Nolan et relancer la franchise du Chevalier Noir (je crois savoir qu’il y aura bien une suite). Matt Reeves prend ici un genre de contrepied. Batman est désormais hanté par sa légitimité et sa soif de justice. Délaissant quelque peu la tech et enfilant les oripeaux d’un justicier détective mal vu par les forces de police, à l’exception du soutien indéfectible du commissaire Gordon, l’homme chauve-souris se confronte à ses limites. Il y a une dimension christique chez ce Batman, éclaboussée de noirceur, sa figure incarne les tourments d’une schizophrénie assumée prête au sacrifice.  Amen. Lire plus

 

Viens je t’emmène, de Alain Guiraudie (02 mars 2022)
avec Noémie Lvovsky, Jean-Claude Clichet, Illiés Kadri et Dora Tillier.

Enfin une comédie française digne de ce nom. De la part d’Alain Guiraudie (L’Inconnu du lac), ce n’était pas forcément attendu. Notez bien que le scénario qu’il a coécrit avec Laurent Lunetta (déjà co-auteur sur Le Roi de l’évasion), est bien à son image. Un informaticien lunaire tombe amoureux d’une prostituée mariée, dans le même temps une attaque terroriste nourrit une suspicion à l’égard d’un jeune sans-abri d’origine maghrébine. Celui-ci complique la vie de notre amoureux transi qui l’a recueilli. Le mari jaloux de la péripatéticienne et une collègue énamourée de notre héros vont encore l’empêtrer plus profondément dans une charge mentale bien malvenue pour cet indécrottable rêveur.

Politique, Guiraudie l’est toujours. Grand défenseur de ceux qui sont en marge, il parvient à nous faire rire et nous attendrir avec ce microcosme d’humanité relié par un besoin viscéral. Celui d’aimer et d’être aimé. Rien de neuf sous le soleil ou la grisaille selon, simplement une bonne petite comédie fine, drôle, inventive et pleine de fraîcheur qui nous réconcilie avec ceux qui nous échappent, que nous ne comprenons pas ou que nous ne voulons pas voir.

 

Ambulance, de Michael Bay (23 mars 2022)
avec Jake Gyllenhaal, Yahya Abdul-Mateen II et Eiza Gonzalez.

 Boum, badaboum, boum, kaboom, voici ce que nous pourrions résumer de ce qu’il me semble être l’un des meilleurs opus du maître artificier Michael Bay. Le cinéaste que toute la critique “sérieuse” aime détester. Relecture dynamitée d’un petit film danois de Laurits-Munch Petersen (visible sur Netflix), Ambulance est une illustration à très grand spectacle, le pop corn vole en éclats, du film de braquage foiré. Deux faux-frères sont contraints de fuir dans une ambulance avec une infirmière et un policier gravement blessé en otage. Poursuivi par une armada de forces de police à travers Los Angeles, il s’ensuit des fusillades, des carambolages et autres explosions qui font passer le débarquement pour un combat de rue. Jouissif à souhait, plaisir coupable ultime, Ambulance est du pur cinoche sans autre ambition que de vous en mettre plein la vue. Sûr que sur un écran de télévision, vous n’aurez pas le même point de vue qu’en Grand Large au Grand Rex (cqfd). Lire plus

 

Freaks Out, de Gabriele Mainetti (30 mars 2022)
avec Claudio Santamaria, Aurora Giovinazzo, Pietro Castellitto et Franz Rogowski.

 Après On l’appelle Jeeg Robot en 2015 déjà écrit par Nicola Guaglianone, Gabriele Mainetti nous livre une nouvelle réponse européenne aux films de super-héros hollywoodiens. Et c’est une grande réussite. Freaks Out aux références multiples entre Freaks la monstrueuse parade de Tod Browning, de faux airs felliniens ou encore la série avortée oubliée La Caravane de l’Étrange, nous transporte en Italie en pleine seconde guerre mondiale. Quatre personnages dotés de pouvoirs singuliers issus d’un petit cirque itinérant vont se retrouver confronter à un nazi pianiste virtuose aux douze doigts adepte de science occulte qui voyage dans le futur. Il a vu la défaite et va tout faire pour s’accaparer les pouvoirs de nos quatre héros.
L’idée de convoquer des super-héros pour combattre le fanatisme nazi n’est pas nouvelle, elle est même à l’origine de la naissance de ces derniers. En revanche, le traitement choisi relève le gant avec une grande originalité. Il est injuste que ce film passe au travers de toutes les sélections des meilleurs films de fin d’année. Lire plus

 

Doctor Strange in the Multiverse of Madness, de Sam Raimi (4 mai 2022)
avec Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Chiwetel Ejiofor et Rachel McAdams.

Nous pouvons le dire c’est encore Marvel qui emporte le morceau cette année face à D.C. Comics et ce malgré le puissant Batman. Merci qui ? Merci Sam Raimi, l’homme qui a mis sur orbite la firme du regretté Stan Lee avec l’historique Spider-Man de 2002. Ce deuxième opus du maître des arts mystiques est juste visuellement époustouflant. Le réalisateur de la première trilogie de l’homme araignée a réussi en images réelles à déployer une véritable bande dessinée sur grand écran. Strange se retrouve pris dans les filets de la Sorcière Rouge et de l’espace temps démantibulé par sa propre imprudence. Des plans en forme de puzzle kaléidoscopique pour une narration virevoltante d’un univers à l’autre. À nouveau dommage de voir ce spectacle ahurissant sur un poste de télévision, un écran d’ordinateur ou un téléphone portable.

 

The Northman, de Robert Eggers (11 mai 2022)
avec Alexander Skarsgård, Nicole Kidman, Ethan Hawke, Anya-Taylor Joy, Willem Dafoe et Björk.

Encore un grand film incompris, somptueuse et féroce variation sur Hamlet, The Northman est ce qu’auraient dû être les adaptations de Conan. Dans un noir et blanc digne des grands films scandinaves du muet, Robert Eggers flirte avec Shakespeare au plus près d’une référence tel que le Macbeth d’Orson Welles. Qu’un tel film ne rencontre pas son public est dommageable pour un cinéma exigeant qui cherche à offrir autre chose qu’un simple divertissement. Recourir à l’universel au travers d’un film de genre n’est pas donné à tout le monde. Cet homme du Nord nous en dit bien plus que ce qu’il en a l’air.

 

Decision to leave, de Park Chan-Wook (29 juin 2022)
avec Park Hae-Il, Tang hei, Go Kyung-pyo.

Récompensé par le Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, Decision to leave est l’un des films marquants de l’année. Au sein d’une enquête policière, une romance nous entraîne dans un maelstrom de sentiment dont seul le cinéma coréen semble avoir le secret. Par la finesse de son propos, l’originalité de son histoire et un dénouement sidérant, nous avons là une relecture de la geste hitchcockienne qui ne laisse pas indemne. Lire plus

 

La Nuit du 12, de Dominik Moll (13 juillet 2022)
avec Bastien Bouillon et Bouli Lanners.

Succès surprise de l’été, tout est relatif 490 000 spectateurs, La Nuit du 12 est d’abord une histoire bien écrite. Dominik Moll associé à Gilles Marchand adapte le récit de Pauline Guéna. Il s’agit d’un horrible fait divers non élucidé, une jeune fille a été brûlée vive en rentrant chez elle un soir. Tout en subtilité le film nous livre un propos féministe défiant les aprioris des protagonistes tout en passant en revue les attitudes des différents suspects. À nouveau une enquête policière qui met à dure épreuve la santé mentale des enquêteurs. Dans une obsession qui n’est pas sans rappeler celle qui poursuit les personnages de Zodiac de David Fincher.

 

Bullet Train, de David Leitch (03 août 2022)
avec Brad Pitt, Aaron Taylor-Johnson, Joey King, Brian Tyree Henry, Andrew Koji et Michael Shannon.

Vous n’avez pas vu Bullet Train ? Tant mieux, ça n’en sera que plus jouissif. Ce mélange explosif de manga à la sauce comics , enrobé d’une bonne estafilade tarantinesque est un des blockbusters de l’année. Un voleur professionnel  qui a la malchance qui lui colle à la semelle, doit dérober un attaché case dans un train à très grande vitesse. Tombé sans le savoir dans un guêpier, il va devoir faire appel à toute sa bonhomie et son sang froid pour s’en tirer. Des dialogues savoureux, des personnages hauts en couleur le tout emballé de scènes d’action cartoonesques, font que Bullet Train ajoute une référence aux films de voyage en train. Lire plus

 

Vesper Chronicles, de Kristina Buozyte et Bruno Samper (17 août 2022)
avec Raffiella Chapman, Eddie Marsan et Rosy McEwen.

Co-production européenne co-réalisée par Kristina Buozyte et Bruno Samper, Vesper Chronicles est une variation sur le thème post-apocalyptique. Dans un écosystème terrien totalement dévasté, une adolescente biologiste surdouée se bat pour survivre. Avec pour seul soutien un père dont la conscience s’est réfugiée dans un drône, elle sillonne une biodiversité mutante. Sa rencontre avec une rescapée d’un crash qui est issue d’une cité de privilégiés sera déterminante. Doté d’une direction artistique foisonnante, Vesper Chronicles n’a pas à rougir devant les productions hollywoodiennes. Son scénario solide et sa mise en scène ascétique en font un film qui trouvera un large public lors de sa diffusion en VOD voire en flux de plateforme. Lire plus

 

Everything, Everywhere All At Once, de Daniel Scheinert et Daniel Kwan (31 août 2022).

Avec Everything Everywhere All At Once, nous tenons à nouveau une réalisation à deux têtes et dans ce cas précis, ça ne semble pas de trop. En effet la folie scénaristique de cette comédie familiale (au sens propre), est un ouragan cérébrale (toujours au sens propre). Une mère de famille d’origine chinoise, propriétaire d’une laverie, doit faire face à une charge mentale accablante. Lors d’un rendez-vous avec le fisc, elle se voit projeter dans de multiples univers parallèles au sein desquels elle a un tout autre destin. Venant du multivers, son mari méconnaissable lui annonce qu’elle doit sauver le monde prêt à être détruit par une créature maléfique qui a l’apparence de sa propre fille. Ne riez pas Everything Everywhere All At Once est une illustration géniale de ce qui peut se passer dans un cerveau en surchauffe au bord d’une dépression nerveuse décapante. Au premier abord complètement loufoque et foutraque, les deux réalisateurs ont réussi un tour de force. En utilisant tout ce que la pop culture produit de plus trivial ce blockbuster produit par les frères Russo est une bourrasque narrative qui fait de nos cerveaux un cosmos intersidérant.

 

Chronique d’une Liaison Passagère, de Emmanuel Mouret (14 septembre 2022)
avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne et Georgia Scalliet.

Emmanuel Mouret s’est fait le chroniqueur des 1001 nuances que peuvent embrasser nos amours. Avec Chronique d’une liaison passagère, il nous entraîne dans les rets d’une relation amoureuse à priori sans enjeu. Entre Sandrine Kiberlain (toujours aussi juste),  femme divorcée et Vincent Macaigne (parfait de bonhommie à son habitude), homme marié adultérin inopiné, s’installe une liaison en toute distraction. Bien évidemment peu à peu les émotions, puis les sentiments se déploient jusqu’à ce que des conséquences inattendues rendent leur verdict.

Toujours aussi fin, le réalisateur nous livre une œuvre qui sous des airs désuets, se révèle d’une grande modernité. Il confirme son appétence à nous tendre un miroir sensible de nos atermoiements amoureux et par là même nous révèle qu’en amour la seule règle est d’aimer. Lire plus

 

L’Innocent, de Louis Garrel (12 octobre 2022)
avec Louis Garrel, Roschdy Zem, Noémie Merlant et Anouk Grinberg.

Fils et petit fils de, Louis Garrel comédien à la carrière déjà bien fournie se forge depuis quelques années une légitimité de réalisateur. Avec L’Innocent, aux côtés de Viens je t’emmène, il relève cette année sérieusement le niveau de la comédie française. Drôle et original, ce film raconte en filigrane comment un fils ira jusqu’à la prison pour obtenir enfin toute l’attention de sa mère, prof de théâtre en milieu carcéral. À noter la drôlerie et la pétulance de Noémie Merlant, qui après La Jeune Fille en Feu, confirme de quel bois se chauffe son talent de comédienne. C’est également un grand plaisir de retrouver enfin Anouk Grinberg après son petit rôle saisissant de juge dans La Nuit du 12.
Malin et sans prétention, L’Innocent emporte le morceau facilement et mériterait grandement un César du meilleur scénario original coécrit par Louis Garrel et Tanguy Viel.

 

La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh (26 octobre 2022)
avec Tawfeek Barhom, Fares Fares et Mohammad Bakri.

Un nouveau coup de semonce de la part du réalisateur suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh. Après le très réussi Le Caire Confidentiel en 2017, voici une nouvelle charge contre l’état de la société égyptienne. Prix du scénario à Cannes cette année, La Conspiration du Caire renvoie dos à dos le pouvoir en place et les adeptes du fanatisme religieux. Tarik Saleh appuie là où ça fait mal. Sous le couvert d’une habile intrigue de thriller, en adoptant le point de vue d’un candide à la foi chevillée à l’âme, son illustration de pratiques culturelles dévoyées alliée à la soif d’un pouvoir absolu n’en n’est que plus vigoureuse. Dans un élan humaniste, il en appelle à la bienveillance d’une tradition ancestrale égarée. Remarquable par la sobriété de sa forme et de son propos, La Conspiration du Caire est à mon sens un des films les plus brillants de l’année. Et si je ne devais en retenir qu’un ce serait sans doute celui-ci. Lire plus

 

Amsterdam, de David O. Russell (01 novembre 2022)
avec Christian Bale, Margot Robbie, John David Washington, Anya-Taylor Jones, Chris Rock, Matthias Schoenaerts, Michael Shannon.

Ne nous voilons pas les rétines Amsterdam, le nouveau film de David O. Russell est un bide avéré. Pourtant il met la barre très haut. Doté d’un casting impressionnant, le cinéaste américain a réalisé, d’après un scénario qu’il a lui-même écrit, un film foisonnant. En compulsant les genres, il réussit un mélange étonnant de screwball comédie contemporaine, d’enquête policière tordue et de film politique camouflé dans un rappel historique d’utilité publique.
Dans la lignée de son American bluff, ce dixième long métrage raconte un petit bout de la grande Histoire.

Deux camarades de la Grande Guerre, un médecin new-yorkais interprété par un Christian Bale toujours aussi transfiguré et un futur avocat (John David Washington tout en sobriété incarnée),  acoquinés à  leur extravagante infirmière, (Margot Robbie revigorante), se sont jurés fidélité. Au sortir de l’horreur, amochés ils forment un trio de joyeux lurons décidés à vivre d’amour (un couple mixte s’est formé) et d’eau fraîche. Leur parenthèse enchantée en exil à Amsterdam sera rattrapée par la réalité. Quelques années plus tard, à nouveau réuni par le destin, une mort suspecte les lancera sur la trace d’un complot fomenté à l’échelle nationale. Des adeptes de la logorrhée d’un certain Adolf Hitler veulent prendre le pouvoir aux  États-Unis. Il s’agit ni plus ni moins que d’une histoire inspirée d’éléments authentiques qui apporte un certain éclairage  à notre présent.
Brillant, ce film certes touffu et dense m’apparaît comme l’un des plus brillants de l’année par la hauteur de son ambition narrative.

 

Pardon pour les bons films non visionnés qui restent à découvrir.
Bonne fin d’année de cinéma, en attendant 2023.

#Calisto Dobson

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